TOUR 2 (Eté)

Principautés tiléennes

Tour 2

Le prince-marchand de Miragliano, malgré les coussins qui le rehaussaient sur son siège, disparaissait presque entièrement derrière un imposant plateau, débordant de mets parmi les plus délicats des principautés tiléennes. Ce festin de fin gourmet, Don Borgio le qualifiait sobrement d’assortiment de fromages. Il n’abhorrait rien de plus qu’être dérangé durant ce moment de communion avec l’assiette. Aussi l’ambassadeur impérial attendit-il sagement que l’ordre fût donné aux serviteurs de débarrasser la table avant de lui signifier sa présence :
— M’avez-vous fait mander, très cher prince ?
— Oui, gentiluomo Ludwig. On raconte que maintes guerres ont éclaté hors de la Tilée. Ce ne sont sans doute que des racontars et autres fadaises, mais je préfère m’en assurer.
— En vérité, il semble que ces rumeurs ne soient pas infondées ; le Vieux Monde est en ébullition.
— Il fallait donc qu’un si bon repas soit suivi d’un dessert. Puisse ma digestion ne pas s’en trouver compromise !
— Auquel cas, vous m’en verriez navré.
— Eh bien, à présent que vous avez aiguisé mon appétit, parlez donc !
Herr von Liebwitz se racla la gorge et dit :
— Pour autant que je pusse en être tenu informé, Nains, Peaux-Vertes et autres Gobelins s’entre-déchirent, pendant que les Humains de Bretonnie et de l’Empire sont aux prises avec les Vampires. Je ne puis hélas vous renseigner sur la teneur exacte des déclarations de guerre.
— Les aigles et les femmes ¹, à n’en point douter… J’ose espérer que les quelques désagréments commerciaux seront amplement compensés par les besoins en mercenaires.
— Il ne m’est pas permis de l’affirmer en des termes aussi catégoriques. Néanmoins, il est dans notre intérêt que la liberté du négoce nouvellement acquise n’attire pas les foudres de quelque dirigeant étranger.
— Quelle absurdité ! N’importe qui a plus à perdre qu’à gagner en devenant l’ennemi de la principauté.

L’ambassadeur acquiesça, puis reprit avec malice :
— Mon prince, j’ai pleine confiance en votre capacité à dissuader les éventuels adversaires. Après tout, n’avez-vous pas un talent indéniable pour imposer vos vues aux sceptiques ?
— Voilà un propos bien aventureux. À vrai dire, je ne vous suis plus.
— Votre modestie vous honore. Pourtant, nul autre que vous ne sut convaincre le signore Silvio de prendre ses distances avec les affres de la vie mondaine.
— Le fit-il seulement ? Je croyais savoir qu’il n’avait même pas quitté son domicile !
— Précisément, c’est en cela que votre persuasion est remarquable. Il n’ose même plus sortir de chez lui. D’aucuns se sont même laissé dire qu’il fait goûter plutôt deux fois qu’une le moindre de ses plats !
— Quelle heureuse surprise !
— En effet, votre perspicacité n’a de cesse de surprendre et c’est peu dire… a fortiori quand l’on est, comme moi, confronté à maints esprits ingénus.

La baisse de l’intonation masqua la fin du mot, de sorte à ce que l’on puisse prétendre avoir entendu « ingénieux ». Sur ces paroles apparemment élogieuses, Ludwig tira sa révérence, conscient que tout flatteur vivait aux dépens de celui qui l’écoutait… Or, l’attention du prince était limitée après un repas copieux. Pareille leçon eût valu un fromage, sans doute, à condition que l’assortiment n’eût pas été remporté en cuisine.

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¹ En Tilée, il est de commune renommée que la religion et les femmes sont la cause de tous les maux. En conséquence, l’expression « les aigles et les femmes » est une réponse convenue à la question « pourquoi la guerre a-t-elle éclaté ? »

Les factions suivantes se sont ajoutées à la liste des partenaires commerciaux :

EMPIRE
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