TOUR 1 (Printemps)

Tour 1 (Printemps)

Principautés tiléennes

Tour 1

Une délicieuse musique était jouée depuis les balcons supérieurs de la salle principale du palais de Miragliano. En contrebas, les paroles échangées étaient d’un raffinement extrême ; l’objet de la discussion, en revanche, était beaucoup plus fruste. Il s’agissait de disserter du bien fondé d’un assassinat en plein jour d’un marchand au seul motif qu’il avait manqué de respect à l’un des rejetons d’une famille rivale.
— Qu’il s’agisse de laver son honneur, j’entends bien. Il incombe, néanmoins, de considérer qu’une gorge tranchée en pleine négociation avec un riche visiteur étranger est non seulement mauvais pour le commerce, ce qui était – je le crois – le but escompté, mais également préjudiciable à l’image de notre belle cité. En tant que prince, il est de mon devoir de vous inciter à vous enquérir personnellement de l’état de vos domaines agricoles… L’air de la ville rend libre, mais l’air de la campagne fait vivre ; il serait si fâcheux qu’on vous réserve le même sort qu’à ce pauvre Lorenzo di Mozello.
— Jamais un des miens ne s’abaisserait à pareille vilenie ! Un crime aussi abject ne peut être que le méfait d’un voyou ! Lui trancher la gorge devant des clients… quel manque d’imagination navrant !
Sur ces vertes objections, Silvio Bellouscouni quitta précipitamment son auditoire – enfin, aussi précipitamment que le lui permettait son ventre libidineux –, furieux à l’idée qu’on ait pu seulement insinuer qu’il pouvait avoir un quelconque lien avec la mort de Lorenzo. En s’engouffrant dans la galerie de portiques donnant sur l’extérieur, il manqua de bousculer un jeune trentenaire, habillé à la mode impériale. Celui-ci ne s’en émut guère et trahit même un sourire en voyant Silvio dérouler le morceau de parchemin qu’il lui avait opportunément remis au moment de la collision, avec écrit en lettres capitales : « SUIS L’AIGLE ET NON LA TOUR ¹. »

S’en retournant auprès du Prince, l’Impérial s’inclina en disant :
— Bon prince Borgio de Miragliano, vos avertissements l’ont ébranlé. Puisse désormais la sagesse proverbiale de Mirmidia le faire douter de sa sûreté !
— Prince de MiraLiano ; vous avez encore prononcé le G, commenta nonchalamment l’intéressé.
— C’est l’avantage avec l’écrit ; il ne trahit pas mon accent, renchérit-il d’un air entendu.
— Prenez garde à ne pas vous prendre au Jeu ; vos services me sont trop précieux pour que vous preniez le risque de vous faire tuer.
— Si vous me permettez l’objection, en ma qualité d’ambassadeur de l’Empire à la cour tiléenne et cousin – fût-il éloigné – de la comtesse du Wissenland, le simple rappel de son amitié avec Karl Franz fait figure de merveilleux ange gardien.
— Tant mieux, car j’ai encore beaucoup de travail pour vous, Monsieur Ludwig… ou Herr won Liebwitz comme on dit chez vous.
Il voulut lui rappeler que « von » se prononçait [fᴐn], mais il se ravisa. Quand bien même était-on ambassadeur, on ne critiquait pas le maître de la principauté de Miragliano. Fort heureusement, Ludwig von Liebwiz avait vite compris que quelques flagorneries suffisaient à faire passer ses idées pour celles de Don Borgio.

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¹ Expression associée à la déesse Mirmidia, très usitée dans les principautés tiléennes, invitant à faire preuve de bon sens.

Le pragmatisme – d’aucuns diraient la cupidité – l’emporte sur toute autre considération au sein des principautés tiléennes. Fruit de plusieurs années de patientes négociations ponctuées d’assassinats feutrés entre six des principales cités marchandes (Tobaro, Monte Castello, Luccini, Remas, Trantio et bien sûr Miragliano), une série de décrets convient d’un abattement fiscal à hauteur de la cinquième part des finances de l’État, destiné à « favoriser les investissements dans l’économie réelle ».

Afin de ne pas heurter l’extrême susceptibilité du parti populaire – toujours prompt à décrier les avantages accordés aux meilleures familles – et de maintenir l’équilibre des finances publiques, cette réduction de l’imposition est compensée par la mise en place de taxes dérogatoires, permettant, en échange de leur paiement, de commercer avec de nouveaux partenaires, y compris parmi les plus insolites :

Tout marchand étranger souhaitant faire affaire avec l’ensemble de la Tilée et non plus dépendre de la ville où est domiciliée son activité doit dorénavant pouvoir attester que sa nation d’origine bénéficie de ce régime préférentiel. Il est donc invité à se réunir avec les siens, puis à solliciter l’accord des autorités urbaines de Trantio et Luccini.

Pour ce qui a trait, enfin, aux demandes de mercenariat, les clients éventuels sont invités à se rendre dans la cité-État de Miragliano, où ils pourront, selon leurs besoins, louer les services de l’une des trois compagnies suivantes :
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P. S. : Les demandes sont traitées dans un délai minimal d’1 tour, non comptabilisé dans le temps dit de disponibilité pendant lequel les troupes peuvent être utilisées librement ². Après quoi, il faut payer un tarif forfaitaire chaque tour pour continuer de les utiliser. Attention, une même compagnie ne peut être engagée que par une faction à la fois.

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² Excepté qu’elles ne peuvent être retournées contre la Tilée.